Les gares de tous les croisements
Les gares auront bientôt deux siècles. C’est certainement un bel âge. C’est, en tout cas, un temps long qui autorise de la respiration quand il s’agit d’imaginer et d’envisager concrètement les transformations et mutations à venir. Portes, monuments et équipements des villes contemporaines, elles accompagnent et organisent, pour partie, le quotidien d’habitants toujours plus mobiles. Temples dédiés à la technologie ferroviaire, les gares structurent aussi profondément l'environnement urbain. Si elles ont toujours, fondamentalement, pour rôle de faire passer, avec ponctualité, des trains, elles ont aussi vocation, maintenant, à faire vivre le quartier et, plus largement, le territoire dans lesquels elles s’insèrent. Lieux de rencontres des gens et des modes de transport, elles rassemblent, avec les personnels qui les font vivre, les voyageurs, les promeneurs, les passants extraordinaires comme les habitués très réguliers. Les clients des entreprises y rencontrent les usagers des services publics. Les rôles sont d’ailleurs foncièrement interchangeables. Espaces de toutes les formes de connexion, les 3000 gares françaises voient, chaque année, passer environ 2 milliards de personnes (soit, pour donner une idée, un tiers de l’humanité !). Écosystème singulier, qu’il faut gérer avec ses contraintes propres d’exploitation, la gare ne se présente pas sous un format unique. Les grandes gares internationales des grandes villes entretiennent bien des correspondances avec les points d’arrêts ruraux ou périurbains mais peu de comparaison. Un des enjeux cruciaux est de faire de tous ces sites, grands ou petits, de vrais lieux adaptés aux aspirations de ceux qui les fréquentent et qui en attendent des services et des aménités absolument fondamentaux pour les vies modernes. Leur avenir ne se résume pas en une forme ou une dérive particulière, vers le centre d’affaires ou le centre commercial. Il tient dans un réinvestissement collectif, par la SNCF, les élus, les concessionnaires, les autres opérateurs, de ces espaces qui peuvent susciter autant l’imaginaire que l’agacement. L’aspiration à des infrastructures plus efficaces et des déplacements rapides doit se concilier avec le souci de rythmes moins bousculés ou encore la rêverie du voyage, le tout dans un cadre économique réaliste. L’ambition n’est pas ici un mince pari. C’est pour discuter toutes ces dimensions et réfléchir aux avenirs possibles et souhaitables des gares (avec leur pluriel d’importance) que Gares & Connexions a lancé, en 2010, ces ateliers de la gare. Merci à Transport Public de donner à lire les premiers produits de ces travaux.
Sophie Boissard
Directrice générale de Gares & Connexions
Pourquoi des Ateliers de la Gare ?
Les Ateliers de la Gare ont une explication et une vocation. L’explication est simple. Le siège de Gares & Connexions se trouve – clin d’oeil de l’histoire – dans d’anciens ateliers automobiles, ceux de la première marque (à moteur à explosion) au monde : Panhard. La vocation de ces ateliers, sans être compliquée, appelle plus de précisions. Les gares sont, incontestablement, des espaces et des institutions de plus en plus complexes. Noeuds de tous les transports, épicentres des évolutions sociales et organes vitaux des villes, elles appellent des modes de gestion rénovés et partagés. Pour inventer la gare de demain et contribuer aux défis de la ville durable, Gares & Connexions a engagé une série de réflexions mêlant savoir- faire, retours d’expérience et expertises à la fois du monde des gares (architecture, gestion, transport) et de celui de leur environnement (évolution des modes de vie et des politiques publiques). Ces rencontres ont toutes le même format : des présentations courtes et percutantes avec, quelque soit le thème du jour, quatre intervenants : un grand témoin, un expert, un représentant d’un autre pays, un responsable SNCF. La première saison de ces ateliers, en 2010, aura permis, avec six ateliers, pour prendre une métaphore culinaire triviale, de faire prendre la mayonnaise. Devant un public qui s’est à chaque fois enrichi, composé d’un noyau dur, allant grandissant, de fidèles, les débats auront été denses autour de six sujets : les commerces en gare, la place des gares dans la gestion des nouvelles mobilités, le rôle et l’évolution possible des gares face aux questions et préoccupations de durabilité, leurs transformations architecturales, les questions de solidarité soulevées par les SDF qui y trouvent ressources et refuges, les particularités des gares périurbaines. Chaque thème était amené par une interrogation qui appelait donc du dialogue et pas nécessairement de réponses définitives. L’ensemble des intervenants ont pu échanger, avec tous les autres participants, dans une ambiance ouverte, sans célébration ni dénonciation, mais avec mise en évidence autant d’enjeux et de difficultés que d’initiatives et de pistes d’ouverture. La matière de ces ateliers ce sont les idées et les données (de plus en plus souvent sous forme d’images et de graphiques). Leurs ouvriers ce sont l’ensemble des débateurs (qui doivent trouver ici l’expression de nos remerciements). Leur production ce sont certes ces moments et ces documents. Ce sont surtout les perspectives tracées, évoquées et, pour certaines, déjà suivies pour les gares de tout après-demain.
Julien Damon
Professeur associé à Sciences Po (Master Urbanisme)
et Animateur des Ateliers de la Gare
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